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Donné en tête des intentions de vote en Flandre, le parti radical pourrait réaliser un score qui dépasse encore celui que prédisent les sondages.
Jacques HermansJournaliste au service Belgique
- Publié le 15-05-2024 à 07h03
- Mis à jour le 17-05-2024 à 22h02
Le Vlaams Belang, aujourd’hui plébiscité en Flandre, revient de loin. En 2014, le jeune Tom Van Grieken avait hérité d’un parti à la dérive. Il y a dix ans, le parti flamingant avait perdu la moitié des voix recueillies quatre ans auparavant et les trois quarts de sa représentation à la Chambre. La chute fut spectaculaire : un échec cuisant pour un parti qui, il y a quelques décennies, attirait un quart de l’électorat flamand, ce qui faisait de lui l’une des formations d’extrême droite les plus prospères d’Europe.
Mais le nouvel homme fort du parti ultranationaliste réussit, en l’espace de quatre ans, à renverser la vapeur. La remontée fut spectaculaire. Aux élections de 2019, le Vlaams Belang obtient 18,5 % des suffrages en Flandre. Il avait fini deuxième au fédéral, derrière la N-VA mais devant le PS. Le parti, aujourd’hui, caracole en tête dans les sondages. Un score de 27 à 32 % est évoqué… Selon Bart Maddens, politologue à la KU Leuven, l’ambition du Belang pour le scrutin à venir est de réaliser un score de 32 %, c’est-à-dire quasiment le résultat obtenu par la N-VA au parlement flamand en 2014, l’année du triomphe pour les nationalistes.
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Comment expliquer cette fulgurante ascension du Belang ? “Par le passé, les intentions de vote pour le parti radical ont été systématiquement sous-estimées”, observe Nicolas Bouteca, professeur en sciences politiques à l’université de Gand. Le tabou entourant le Belang n’existe plus aujourd’hui. Les gens n’hésitent plus à dire qu’ils votent pour l’extrême-droite.” “En traversant des villages flamands à vélo, j’ai aperçu des pancartes du Vlaams Belang dans plusieurs jardins”, complète Peter Van Aelst, politologue à l’université d’Anvers.
À lire aussiIl existe de vraies affinités programmatiques entre le Vlaams Belang et la N-VA”Le facteur Tom Van Grieken y est pour quelque chose aussi. Le président est très populaire en Flandre. Seul Bart De Wever et Alexander De Croo le devancent dans le top 3 des personnalités préférées des Flamands”, souligne Nicolas Bouteca. Jeune, posé, accessible et plus modéré, il est l’artisan de l’aggiornamento au sein du parti flamingant. Sous son égide, le Vlaams Belang, fort d’assumer son leadership politique, est devenu plus fréquentable – salonfähig, comme on dit en Flandre. Le résultat ne s’est pas fait attendre. En 2019 déjà, le roi Philippe a invité Tom Van Grieken lors des consultations de l’après-scrutin. Le chef de l’État s’est entretenu avec le président du Vlaams Belang sans que ce dernier ne soit chargé d’une mission politique, faut-il le préciser.
À lire aussiEn Wallonie, la “coalition FGTB”, alliant PS, Écolo et PTB, serait la plus cohérente”Vlaanderen weer van ons”. Le slogan, répété à l’envi par les adeptes de l’extrême-droite en Flandre, sert à booster le moral des troupes. ” Nous allons reprendre possession de notre pays… la Flandre”, assène Tom Van Grieken. Son programme tient en trois points : la Flandre aux Flamands, une hausse du pouvoir d’achat et un renvoi immédiat des nouveaux arrivants dans leur pays d’origine.
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La Flandre appartient aux générations futures, professe le “numéro uno” du parti radical. “Tom Van Grieken œuvre, depuis des années, à faire du Belang un parti solide et stable”, analyse Peter Van Aelst. Il a su attirer des jeunes issus des cercles d’étudiants flamingants. Ces jeunes talents prometteurs sont des transfuges venus de la N-VA et de l’Open VLD. Ils sont ambitieux, compétents, engagés et prêts à défendre bec et ongles l’identité flamande. Dans le même temps, des provocateurs, comme Dries Van Langenhove, ont été limogés. L’ancienne figure de proue de Schild&Vrienden a été contraint de quitter le parti en février 2023. Un an plus tard, il a été condamné à un an de prison ferme pour avoir proféré des propos racistes et discriminatoires – il est cependant allé en appel.
À lire aussiÉcolo et Groen forment – et de loin – la famille politique la plus soudéeLe Vlaams Belang compte toujours Filip Dewinter dans ses rangs. Le canon à voix de 63 ans, plus activiste que jamais, s’appuie sur son fan-club anversois. Il pourrait entacher le succès annoncé du Vlaams Belang à cause des contacts douteux qu’il a entretenu avec des dignitaires chinois et russes. Mais probablement pas au point d’empêcher un nouveau raz-de-marée pour l’extrême-droite en Flandre.
À lire aussiLe spectre de l’effet domino du Belang depuis Ninove, où "les nouveaux venus ne parlent pas néerlandais et travaillent à Bruxelles"Faut-il craindre l’arrivée du Vlaams Belang au pouvoir ? Le parti radical réussira-t-il à briser les chaînes de son isolement contraint ? Tout dépendra du score réalisé par le Vlaams Belang et par la N-VA. “Si le Belang obtient plus de 30 % des voix et que les deux premiers partis flamands ont une majorité confortable (6 ou 7 sièges en surplus), il sera difficile pour la N-VA de ne pas envisager la possibilité d’engager des pourparlers avec le Vlaams Belang pour constituer une majorité au gouvernement flamand”, analyse Peter Van Aelst.
Mais leur alliance ne va pas de soi. Les deux partis, à l’évidence, restent divisés sur de nombreux sujets notamment le socio-économique. Et puis, comme le relève Nicolas Bouteca, une alliance avec le Belang au niveau régional risque de “compromettre la volonté de la N-VA et de son président, Bart De Wever, de rentrer dans la majorité au fédéral”. Les partis, singulièrement les francophones, pourraient le juger soudainement infréquentable.
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